Love in migration

Le thème de l’amour dans les migra­tions est un sujet présent en fili­grane dans nombre de trajec­toires migra­toires. C’est le senti­ment qui lie le migrant à sa famille restée au pays, celui de la mère qui veut donner à ses enfants plus d’opportunités. C’est celui d’une personne qui souhaite rejoindre un parte­naire au-delà d’une fron­tière ou, au contraire, fuir une union contrainte pour s’offrir la chance de choisir qui et comment aimer. C’est aussi l’amour fraternel construit sur les routes. Or, si l’amour n’est jamais loin lorsqu’on y prête atten­tion, il n’a pas été aisé de trouver des films l’abordant ouvertement.

Toni de Jean Renoir, sorti en 1935, raconte l’histoire d’un ouvrier immigré italien qui tombe amou­reux de Josépha, une immi­grée espa­gnole. Au-delà d’une histoire d’amour, Toni expose à la fois l’âpreté de la vie des migrants de l’époque, l’imperméabilité des rôles assi­gnés aux genres, mais aussi la ques­tion de la migra­tion comme pour­voyeuse de solu­tions lorsqu’une destinée semble bloquée.

Brooklyn Secret d’Isabel Sandoval, sorti en 2020, nous emmène aux côtés d’Olivia, une immi­grée philip­pine à Brooklyn qui prend soin d’Olga, vieille immi­grée russe établie de longue date. Alors que le film s’ouvre sur son quoti­dien, ses stra­té­gies pour prolonger son séjour et conti­nuer à envoyer de l’argent à sa famille, elle va très vite faire la rencontre du petit-fils de sa patronne… Brooklyn secret présente les multiples réalités auxquelles sont confrontés les migrants aux États-Unis et, en fili­grane, l’impact de la poli­tique migra­toire répres­sive de Donald Trump sur leurs vies. Tiraillée entre la peur de la dépor­ta­tion et le désir de trouver le bonheur, Olivia compose avec les circons­tances, expo­sant à la fois sa force, sa soli­tude et ses doutes.

Entre 1935 et 2020, les poli­tiques migra­toires se sont renfor­cées et sont deve­nues de plus en plus strictes. Cette évolu­tion a trans­formé l’expérience des couples dits « mixtes ». Soumis à de nombreuses formes de contrôles, de mesures et d’aprioris, l’amour des migrants (notam­ment issus d’un pays pauvre) envers un ressor­tis­sant d’un pays riche, est très souvent passé au crible de l’administration. Le mariage appa­raît comme un chemin poten­tiel vers la régu­la­ri­sa­tion et c’est souvent sous l’angle des trom­pe­ries ou des incom­pré­hen­sions produites par les inéga­lités socioé­co­no­miques que le sujet est systé­ma­ti­que­ment consi­déré par les admi­nis­tra­tions et le grand public.

Certes, la forma­tion d’un couple peut, dans certains cas et avec prag­ma­tisme, permettre de régu­la­riser une situa­tion. Mais cette union peut tout à fait débou­cher sur une rela­tion amou­reuse ou amicale satis­fai­sante et sur laquelle il n’est demandé à nulle admi­nis­tra­tion de porter un juge­ment. Inver­se­ment, certaines rela­tions amou­reuses mixtes jugées trop impro­bables échouent car elles sont mises en doute par les administrations.

La recherche – comme ces films – suggèrent que les parcours migra­toires et conju­gaux sont multiples.

Annaëlle Piva
Chaire de Recherche du Canada sur les Dyna­miques migra­toires mondiales
Membre de l’équipe P.A.R.I.S (Pour l’Avancement des Recherches sur l’Interaction Spatiale), UMR Géogra­phie Cité, Paris.
Fellow au Dépar­te­ment Policy, Institut Conver­gences Migra­tions, Paris

Brooklyn Secret 

Réalisé par Isabel Sandoval 

USA-Philip­pines, 2019, 1h30, fiction, VOSTFR, JHR
Avec Isabel Sandoval, Eamon Farren, Lynn Cohen

Olivia travaille comme soignante auprès d’Olga, une grand-mère russe ashké­naze à Brooklyn. Fragi­lisée par sa situa­tion d’immigrante philip­pine sans-papier, elle paie secrè­te­ment un Améri­cain pour orga­niser un mariage blanc. Alors que celui-ci se rétracte, elle rencontre Alex, le petit fils d’Olga, avec qui elle ose enfin vivre une véri­table histoire d’amour. Mais celle-ci se complique lorsque le jeune homme apprend qu’O­livia est transgenre…

En présence de Blan­dine Destremau direc­trice de recherche en socio­logie. Elle copi­lote actuel­le­ment un projet d’ou­vrage Migra­tions, une chance pour notre système de soin.

Toni 

Réalisé par Jean Renoir 

Copie restaurée /​Avant-première

France, 1935, 1h25, fiction, VF, Tamasa
Projec­tion en avant première de la copie restaurée
Avec Charles Blavette, Célia Montalvan, Jenny Hélia

Immigré italien, Toni a trouvé du travail à Martigues où il tombe amou­reux de Josépha, d’origine espa­gnole, dont l’oncle est un petit proprié­taire pros­père. Josépha se marie avec Albert qui a surtout des vues sur la fortune de l’oncle. Lorsque ce dernier meurt, Josépha projette de s’emparer de ses richesses et de s’exiler en Amérique. Surprise par Albert, elle le tue. Lorsque Toni apprend que Josépha risque la prison, il s’accuse du meurtre. Il sera abattu par un chas­seur qui souhaite faire justice lui-même.

Jeudi 8 oct. 2020, 20h30 
Cin’Hoche, Bagnolet

En présence d’un fellow de l’Ins­titut Conver­gences Migrations.