Présentation du projet
Selon le Haut-Commissariat aux Réfugiés, 8 millions d’Ukrainiens se sont réfugiées dans un pays européen. Cet afflux de réfugiés est sans précédent, à la fois de par son volume (le plus important depuis la Seconde guerre mondiale) et de par la mobilisation des pouvoirs publics et citoyens qu’elle a suscité. Pour la première fois, les Etats de l’Union ont enclenché le dispositif de protection temporaire, qui permet à leurs bénéficiaires de circuler librement au sein de la zone Schengen et d’accéder sans conditions au marché de l’emploi. Près de 4,8 millions d’Ukrainiens bénéficient du statut de protection temporaire.
Les exilés ukrainiens ont pu également bénéficier de conditions d’accueil qui tranchent avec ce qui peut s’observer pour les autres groupes de demandeurs d’asile et ce, grâce à l’engagement d’une grande diversité d’acteurs : services de l’Etat, municipalités, associations, collectifs d’habitants, fondations d’entreprises, organisations de la diaspora, etc. Cette mobilisation s’inscrit dans une période de mutation plus profonde des structures de l’accueil des demandeurs d’asile. D’aucuns parlent de « tournant local » des politiques d’accueil et d’intégration (Caponio et Borkert 2010 ; Flamant 2020 ; Dekker et al. 2015) au regard d’un engagement croissant des acteurs locaux, tant municipaux qu’associatifs. Mais ces dispositifs d’accueil se diffuse à des échelles transnationales, avec la présence de nouveaux acteurs en réseaux : organisation de la diaspora et des réseaux de villes (Lacroix 2020).
Ce programme vise à mettre en lumière et comprendre les trajectoires à la fois spatiales et socio-économiques des exilés ukrainiens en France. Le projet examine en particulier deux paramètres pouvant expliquer cette trajectoire : le statut de protection temporaire qui offre un accès à l’emploi sans période de latence ainsi qu’une liberté de circulation à l’intérieur de la zone Schengen ; une mutation des infrastructures locales de l’accueil avec l’émergence de nouvelles catégories d’acteur dans ce domaine : les municipalités et des nouveaux profils d’organisation de la société civile (fondations philanthropiques, organisations de la diaspora).
Le projet en cours de développement comporte trois axes : 1) un suivi longitudinal des trajectoires d’exilés ukrainiens et non ukrainiens afin de comparer leur insertion sociales, économiques et spatiales respectives et comprendre l’impact du statut de protection temporaire sur les circulations et l’intégration ; 2) une cartographie de l’action des municipalités et des organisations de la société civile en matière d’accueil des exilés ukrainiens ; 3) une analyse de l’expérience de l’accueil par les exilés, notamment de leur rapports avec les différents acteurs engagés sur le terrain.
Le suivi longitudinal des Ukrainiens sera effectué en nous appuyant sur l’enquête « Voice of Ukraine » lancées par la société Kantar Public le 14 juin 2022. Cette enquête par questionnaire en ligne, conduite par vagues trimestrielles, répondent à des questions sur leur situation professionnelle, leurs intentions de retour, leur situation en matière de logement, etc.
Ce jeu de données récoltées sur les exilés ukrainiens sera mis en regard avec celles d’une enquête réalisée par l’organisation Sant’ Egidio auprès de familles syriennes et Irakiennes arrivées en France dans le cadre d’un programme de corridors France-Liban.
La cartographie s’appuie sur le recueil de données sur 100 localités françaises par le biais d’un questionnaire adressé aux personnels municipaux impliqués dans l’accueil des migrants. L’objectif de cette enquête est d’esquisser une typologie des villes qui servira de cadre à l’analyse cartographique des villes accueillantes.
On pourra par exemple s’interroger sur ce que font les villes d’immigrant ancienne par opposition à des localités qui reçoivent des migrants depuis très récemment. Ou encore celle qui reçoivent des migrants parce qu’elles se situent sur des routes migratoires (villes frontalières par exemple) et celles qui qui réceptionne des familles envoyées par les pouvoirs publics (en CADA) ou par des associations.
A ces données quantitatives, le projet combine un recueil d’informations qualitatives. La collecte est réalisée sur trois villes : Nantes, Strasbourg et Paris, ainsi que sur des communes de plus petites tailles (et notamment rurales) restant à déterminer. Elle permet de comprendre les choix qui ont conduit à une évolution de leur situation (changement de domicile, retour, etc.).
Les entretiens de suivi avec des personnes retournés en Ukraine ou en Pologne seront réalisés par deux étudiants de Master ukrainophone de l’Université Jagiellonian à Cracovie.
Un dernier volet de l’enquête qualitative sera consacré aux nouveaux acteurs de l’accueil. Les acteurs philanthropes feront l’objet d’une enquête exploratoire auprès de trois fondations : la fondation Riace, la fondation BNP et Sant’Egidio. Il s’agira d’identifier les motifs de leur implication ainsi que les actions soutenues. Les organisations de la diaspora ukrainiennes seront enquêtées à Paris ainsi que dans une petite ville à identifier.