Dans le contexte des élections présidentielles à l’issue de deux années de pandémie, l’aide médicale d’État (AME) est une fois de plus dans le viseur de certain.e.s candidat.e.s. Créée en 1999, ce dispositif d’aide sociale permet la prise en charge des soins de ville pour les personnes en situation irrégulière sur le territoire (sous conditions de résidence et ressources). Arguant son coût économique et son rôle attractif pour les candidats à la migration (le fameux « appel d’air »), les programmes électoraux des partis conservateurs et d’extrême-droite proposent de restreindre encore davantage le panier de soins de l’AME voire de la supprimer totalement. Autrement dit, les maux de notre système de santé sont instrumentalisés, problématisés et solutionnés à travers le seul enjeu du « coût » de l’AME, en dépit d’un consensus scientifique sur le bien-fondé de ce dispositif et la nécessité de le conserver pour des raisons tant médicales qu’éthiques.
Croisant expertises scientifiques et expériences professionnelles, ce numéro de De facto répond à l’actualité électorale par les faits. Contre la rhétorique de l’effet d’« appel d’air » de l’AME, Céline Gabarro documente la détérioration des conditions d’obtention. En chiffres, Paul Dourgnon, Florence Jusot, Antoine Marsaudon et Jérôme Wittwer démontrent la sous-utilisation du dispositif. Quant au coût économique de l’AME, Nicolas Vignier le relativise en soulignant l’importance des conséquences sanitaires et budgétaires qu’entraînerait sa suppression. À la lumière de vingt années de débat, Caroline Izambert pointe le décalage patent entre discours politique et expertise scientifique. La remise en cause de l’accès aux soins des étrangers est un phénomène qui touche d’autres pays européens. En Italie, Roberta Perna relate comment l’extrême-droite s’attaque au caractère universel et inclusif du système de santé avec en ligne de mire les migrant.e.s. En Grèce, Christiane Vollaire et Phillippe Bazin reviennent en images sur l’« archipel de solidarités » qui se développe en résistance face à l’effondrement du système de santé pour venir en aide aux populations autochtones comme migrantes. Enfin, en Allemagne, Jérémy Geereart explique le rôle du milieu associatif qui se bat pour faire évoluer les lois et améliorer l’accès aux soins pour les étrangers.
Betty Rouland, coordinatrice scientifique
