De facto n°15 | Janvier 2020

15 | Janvier 2020 

Chiffrer les migrations : à quelles fins ? 

Les migra­tions sont l’objet d’une intense acti­vité statis­tique et carto­gra­phique. Mais à quelles fins ? On peut dresser des comptes et des cartes pour contrôler les popu­la­tions, pour prendre la mesure des problèmes, pour reven­di­quer la force du nombre, pour obliger les auto­rités à rendre des comptes. L’outil statis­tique est à multiple tran­chant. Pour Philippe Reka­ce­wicz, compter, c’est dénoncer : les cartes du réseau Migreurop, dont il retrace l’histoire, chiffrent les morts aux fron­tières et donnent à voir l’externalisation des contrôles imposée par l’Europe aux pays de transit. Léa Macias rappelle que les asso­cia­tions soucieuses d’identifier les 80 000 réfu­giés d’un camp de Jordanie à l’aide de tech­niques numé­riques devraient respecter les règles de protec­tion des données indi­vi­duelles appli­cables en Europe. Domi­nique Meurs souligne dans son entre­tien filmé l’apport des enquêtes Emploi, des enquêtes Trajec­toires et Origines et des testings de CV à l’étude de l’intégration. Il en ressort que les travailleurs magh­ré­bins des années 1960 et 1970 ont contribué à la crois­sance du pays mais au prix de carrières plates et d’une inté­gra­tion limitée – un héri­tage qui, joint aux discri­mi­na­tions, éclaire les diffi­cultés de la seconde géné­ra­tion. Fran­çois Héran, enfin, comprend que les poli­tiques réclament toujours plus de données sur l’immigration, mais, au vu des progrès accom­plis à l’échelle natio­nale et inter­na­tio­nale, il les appelle à faire déjà un bon usage des données existantes.