PUBLI : Anouche Kunth, Au bord de l’effacement. Sur les pas d’exilés arméniens dans l’entre-deux-guerres, Paris, La Découverte, 2023.

Nom, prénom, date et lieu de nais­sance : trop peu de mots, sur ces certi­fi­cats admi­nis­tra­tifs, pour écrire l’his­toire de chaque personne épin­glée à son état civil, enfoncée dans le sillon de ses empreintes digi­tales. À mieux les regarder cepen­dant, ces docu­ments d’iden­tité portent les marques de bifur­ca­tions multiples, de ruptures radi­cales surve­nues dans les trajec­toires d’Ar­mé­niens origi­naires de l’Em­pire ottoman et réfu­giés en France au lende­main de la Première Guerre mondiale. La paix, en effet, n’a pas permis aux survi­vants du géno­cide (1915–1916) de retourner vivre en Turquie, à la suite des poli­tiques d’ex­clu­sion mises en œuvre par le régime kémaliste.

L’éton­nant, ici, n’est pas que l’exil soit affaire de routes, de maisons détruites ou spoliées, de nais­sances en chemin, de contrats de travail signés à distance, de débar­que­ments à Marseille, de morts précoces et de nouveaux départs vers les Amériques. Mais que d’in­fimes traces de ces vies dépla­cées se soient dépo­sées au détour de forma­lités ordi­naires. Par petites touches, le passé étend ses ombres à travers les liasses.

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