- 14h30
- Université Côte d’Azur, MSHS Sud-Est Pôle universitaire Saint Jean d’Angély 3, 24 avenue des Diables Bleus – 06300 Nice, en salle plate (031)
Jury :
Dominique Memmi, Directrice de recherche CNRS émérite, Cresppa, Université Paris 8
Jean-Michel Lafleur, Professeur de Recherche, CEDEM, Université de Liège
Véronique Petit, Professeure des Universités, CEPED, Université de Paris
Nicolas Puig, Directeur de recherche IRD, URMIS, Université de Paris
Laura Schuft, Maîtresse de conférences, URMIS, Université Côte d’Azur
Marie Lesclingand, Professeure des Universités, URMIS, Université Côte d’Azur
Résumé de la thèse : Au cours de l’histoire, se sont observées dans différentes zones géographiques et à différentes époques des pratiques de modifications génitales féminines comme l’excision, des clitoridectomies (ablation du clitoris), des sutures et autres interventions sur l’hymen. Loin d’être disqualifiées par l’apparition de la médecine moderne, certaines de ces pratiques, ou leur réparation, ont été assimilées par le secteur médical, et de ce fait, légitimées. Les progrès de la sphère biomédicale depuis les années 1970 ont ouvert un nouveau champ médical autour des techniques chirurgicales de (re)constructions génitales féminines. Cette thèse se concentre donc sur des pratiques chirurgicales de « reconstruction », celle de la restauration de l’hymen (hyménoplastie) et celle de la reconstruction du clitoris (réhabilitation clitoridienne) après une excision, tout en questionnant leurs circulations entre la France et l’Afrique du Nord – en Egypte et en Tunisie, leurs modalités de transmission et d’adaptations à des contextes nationaux et sub-nationaux différents. S’interroger sur la circulation de techniques médicales « de l’intime » et les conceptions du « reconstruire » génital, permet d’aborder plusieurs terrains où sont mises en œuvre ces opérations. En effet, plusieurs travaux se sont intéressés à ces reconstructions dans le contexte européen d’immigration. Néanmoins, leur implantation et la circulation dans les pays d’origine, liées à la mobilité des professionnel∙les de santé, des patientes et la circulation des savoirs médicaux n’a jusqu’à présent pas fait l’objet de travaux scientifiques en sciences sociales. C’est donc une approche globale multi-située de l’étude de pratiques médicales traitant de l’intime féminin et de l’idée de (re)construire le sexe des femmes dans différents terrains qui a été mise en œuvre et qui tend en cela à dépasser certains biais ethnocentrés. Le discours médical international et ses déclinaisons locales semblent s’accorder sur le fait que cette chirurgie est d’abord une demande « culturellement » située et se retrouve alors traitée avec distance par les professionnel∙les de santé sous le prisme d’une pratique venue « d’ailleurs » ou propre à une « culture » dont ils se désolidarisent. En quoi ces chirurgies s’inscrivent-elles dans des rapports de genre, de classe, ainsi que dans les rapports Nord-Sud, dans ces différents contextes socio-culturels ? Comment celles-ci se déploient-elles dans un nouveau paradigme de santé globale où se juxtaposent des phénomènes migratoires et de circulation de pratiques ? Ces techniques s’articulent donc toutes deux avec des impératifs dits « traditionnels » ou « culturels » et semblent ainsi s’inscrire dans des processus de contournements normatifs mis en œuvre par les femmes qui demandent une intervention reconstructrice sur leurs parties génitales. Des mythes anatomiques et une production active et structurelle d’ignorance – identifiée et analysée au moyen de l’approche des ignorance studies – sur l’appareil génital se forment et se retrouvent alors au cœur de ces demandes chirurgicales. La méthodologie développée conjugue une recherche multi-située par entretiens semi-directifs (n=65) avec des m édecins, des femmes – patientes ayant ou envisageant de réaliser l’une des deux opérations -, et des acteur∙trices d’institutions ou d’associations gravitant autour de ces procédures médicales, ainsi que des observations ethnographiques dans le milieu médical et dans des groupes de paroles de patientes. Une étude textuelle d’un corpus de presse (n=204 articles sélectionnés) dans le contexte médiatique français touchant à la représentation de ces chirurgies dans l’espace public vient compléter cette recherche. Des données chiffrées relatives à la fréquence des actes médicaux minoritaires et des données socio-démographiques sur le contexte de réalisation de ces interventions ont également été mobilisées selon leur disponibilité dans les différents contextes étudiés. Il ressort de cette étude que ces chirurgies sont identifiées dans le discours médical des praticien∙nes interrogé·es comme des « pratiques ethniques » – ou au moins socialement situées dans des espaces où les personnes sont plus fortement soumises à la « culture ». Elles s’inscrivent aussi dans des circulations et des adaptations en lien avec les discours identitaires sur le « nationalisme » sexuel. Tous les discours collectés ont une dimension culturalisante et altérisante vis-à-vis des groupes socio-culturels auxquels appartiennent les patientes. Ces processus se matérialisent de manière différenciée selon les lieux d’étude. Néanmoins, ces chirurgies semblent toujours jouer un rôle « intégrateur » sur le plan corporel soit pour se maintenir dans un milieu social, soit pour s’adapter à un nouveau milieu ou contexte.
Mots clés : chirurgie sexuelle féminine – circulation de pratiques médicales – migration – Santé et genre – Reconstruction génitale féminines – hyménoplastie – réhabilitation clitoridienne – modification génitales féminines.