Dans le cadre d’un entretien suite à l’exposition « Sur la route de l’exil – Un centre d’hébergement pour réfugiés à Cognin-les-Gorges, 1977–1992 », Karen Akoka, maîtresse de conférences en science politique à l’Université de Paris-Nanterre et fellow de l’Institut Convergences Migrations, a été interviewée sur son livre L’Asile et l’exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants (La Découverte, 2020).
« Ce n’est pas si facile de catégoriser les personnes et leurs trajectoires sous ces deux labels de « réfugié et « migrant ». En effet, au fond, si on réfléchit, cela dit beaucoup plus sur ceux qui désignent [notamment sur leurs intérêts politiques, sociaux et économiques] que sur ceux qui sont désignés. »
En revenant sur l’histoire, Karen Akoka explique que la situation des demandeurs d’asile a toujours changé selon les époques. Dans les années 1980, 80% des demandes d’asiles étaient acceptées alors que, dans les années 1990, le même pourcentage correspond aux refus. En prenant l’exemple des Portugais considéré comme migrants économiques et des boat-people de la péninsule indochinoise reconnus comme demandeurs d’asile en France, elle poursuit :
« Le rapport à la catégorie [migrant ou réfugié] ne traduit pas la vérité d’une trajectoire, d’une motivation, du sens d’un individu… mais quelque chose de très pragmatique au fond. Et ce pragmatisme était possible parce qu’on était dans une période ou les procédures d’asile et les procédures d’immigration étaient ouvertes. Aujourd’hui, la spécificité de notre période est qu’avec la fermeture des procédures de l’immigration, on est tombé dans le paradigme du vrai ou du faux [migrant]. […] Donc cette catégorie du réfugié a été essentialisée. »
Karen Akoka explique ce changement drastique à travers trois idées reçues utilisées comme facteurs d’explication. Premièrement, le profil des demandeurs d’asile aurait changé alors qu’en fait ce sont les exigences pour obtenir l’asile qui ont changé à partir des années 1990. Deuxièmement, les institutions seraient subordonnées aux politiques, alors qu’elles n’avaient pas plus d’indépendance auparavant. Enfin, la convention de Genève 1951 a été rédigée dans un contexte historique spécifique qui ne correspondrait plus aux réalités migratoires actuelles, alors qu’il s’agit d’un texte large qui offre de nombreuses interprétations en fonction des exigences des pays d’accueil.
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