La huitième séance du Ciné-Club est consacrée au film de Fabienne Le Houérou, chercheure et réalisatrice, fellow de l’Institut. Hôtel du Nil – Voix du Darfour (2006) est le fruit d’une promesse tenue en juillet 2004 auprès de jeunes gens du Darfour rencontrés au Caire. Ils lui racontaient alors les persécutions qu’ils avaient subies et qui les poussaient à s’exiler au Caire pour y demander le statut de réfugié. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés refusait alors de comprendre l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui se jouait dans l’Ouest du Soudan.
Fabienne Le Houérou, nous propose une petite leçon de cinéma.
La durée pendant laquelle les liens de visionnage demeurent actifs n’est pas dépendante de l’Institut Convergences Migrations.
À propos du film
En tant que chercheure et réalisatrice avec Hôtel du Nil, voix du Darfour, comme dans les films que j’ai pu réaliser, je défends l’idée que la mise en scène visuelle est une mise en ordre qui demande le même travail que la mise en explication dans un article. Les éléments s’agencent selon une hiérarchie, les thèmes s’articulent les uns aux autres et les « images sont comme des idées » (M.-H. Piault, Anthropologie et cinéma. Passage à l’image, passage par l’image, Paris, Nathan 2000) .
On peut illustrer cette écriture à partir de trois exemples.
Comment l’image peut-elle dire l’absence : absence des villages incendiés du Darfour, invisibilité de ces réfugiés aux yeux du HCR, ensevelissement des villages nubiens sous le lac Nasser…? Je n’ai retenu qu’une image symbolique ; celle de l’ombre des êtres vivants.
Comment rendre compte de l’impossible parole sur les sévices des janjaweeds notamment à l’égard des femmes ? Toutes les images de tissus déchirés ont été employées dans la construction du récit à cette fin. L’emprunt de voiles et le jeu avec la caméra dans le voiler/dévoiler est une manière de dire sans dire. Mieux encore, de le dire comme pourrait le faire une femme Four.
Comment témoigner de l’injustice onusienne ? C’est au plus près du labeur, des blessures du travail, de la misère des « gentlemen » transformés en ferrailleurs désespérés que leur accusations à l’égard des institutions internationales sont les plus claires, directes et fondées. Le documentaire obéit à une progression en intensité, une descente aux « en-fers », matérialisée par ces hommes qui sont décimés dans le désert et qui creusent des trous à la recherche de bouts de fer.
Fabienne Le Houérou
Historienne
Directrice de recherche au CNRS
Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans