« La France est loin d’avoir pris sa part de la demande d’asile ». Entretien avec François Héran dans Alternatives économiques, 30 sept. 2019

Socio­logue et démo­graphe, ancien direc­teur de l’Ined (Institut national d’études démo­gra­phiques), Fran­çois Héran est profes­seur au Collège de France, titu­laire depuis 2017 de la chaire « Migra­tions et sociétés ». Il est égale­ment direc­teur de l’Institut Conver­gences Migra­tions, porté par le CNRS et sept autres insti­tu­tions. Dans cet entre­tien, il rela­ti­vise les efforts réalisés par la France pour accueillir les deman­deurs d’asile et revient sur les termes du débat lancé par Emma­nuel Macron sur l’immigration.

Quelle est votre analyse du tableau de la situa­tion migra­toire en France donné par Emma­nuel Macron dans son discours du 17 septembre dernier ?

Dans ce discours, comme dans son entre­tien avec les jour­na­listes d’Europe 1 deux jours plus tard, le président de la Répu­blique a repris à son compte l’idée répandue selon laquelle la France serait en passe de « devenir le premier pays d’Europe pour la demande d’asile ». Or ce diag­nostic est faux. Il repose sur une compa­raison bancale, qui se contente de manier des chiffres absolus.

Quand on veut comparer les pres­sions migra­toires qui s’exercent à travers l’Europe, il faut raisonner propor­tion­nel­le­ment, en tenant compte de la popu­la­tion des pays concernés, de leur richesse, de leur terri­toire. Ainsi, de juillet 2018 à juin 2019, en l’espace de douze mois, la France a enre­gistré 115 000 demandes d’asile et la Grèce 66 000. Faut-il en conclure que la France subit une pres­sion deux fois plus forte que la Grèce ? ce serait parfai­te­ment saugrenu : elle est six fois plus peuplée (67 millions d’habitants contre 10,8) ! Faites le rapport : en un an, la Grèce a reçu 6 100 demandes d’asile par million d’habitant, la France pas plus de 1 730.

Lire la suite sur le site d’Alter­na­tives écono­miques (accès abonnés)