PUBLI : Armelle Andro et Nicolas Vignier contribuent au BEH « Populations migrantes : violences subies et accès aux soins »

Le numéro de juin du Bulletin épidé­mio­lo­gique hebdo­ma­daire est consacré aux violences subies et à l’accès aux soins des popu­la­tions migrantes en France. Parmi les articles qui sont en accès libre sur le site de Santé Publique France :

Armelle Andro et coll. Parcours migratoire, violences déclarées et santé perçue des femmes migrantes hébergées en hôtel en Île-de-France. Enquête Dsafhir – résumé

La « mise à l’abri » à l’hôtel est une forme parti­cu­liè­re­ment précaire d’hébergement d’urgence. Les femmes migrantes héber­gées à l’hôtel cumulent des facteurs de vulné­ra­bi­lité face aux violences. Ce contexte a un effet délé­tère sur leur état de santé et renforce leurs diffi­cultés d’accès aux soins de santé.

L’enquête Droits, santé et accès aux soins des femmes héber­gées immi­grées et réfu­giées en Île-de-France (Dsafhir), menée auprès de 469 femmes migrantes vivant à l’hôtel en 2017, permet notam­ment de décrire l’état de santé perçu de ces femmes et la diver­sité des formes de violence qu’elles ont subies (physiques, psycho­lo­giques, sexuelles, écono­miques et admi­nis­tra­tives), les liens qui les unissent (ou les unis­saient) aux auteurs des violences (conjoint, membre de la famille, repré­sen­tant de l’autorité, etc.), ainsi que la tempo­ra­lité des actes incri­minés (violences surve­nant avant la migra­tion, pendant le trajet migra­toire, en France).

En mobi­li­sant les données quan­ti­ta­tives (n=469) et quali­ta­tives (n=30) de cette enquête, cet article décrit les états de santé et les violences auxquelles ont été expo­sées les femmes migrantes mises à l’abri en les carac­té­ri­sant (types de violence, lien avec l’auteur) et en les plaçant dans la tempo­ra­lité des parcours migra­toires. Les violences sexuelles font l’objet d’une atten­tion spécifique.

Les résul­tats montrent que ces femmes sont parti­cu­liè­re­ment expo­sées au fait de subir des violences au cours de leur vie.

Les grandes enquêtes statis­tiques sur les violences, parce qu’elles inter­rogent des répon­dants dans des « ménages ordi­naires », sous-repré­sentent large­ment cette popu­la­tion de femmes margi­na­li­sées. En outre, elles sont rare­ment prises en charge, sur le plan médico-psycho-social, alors que ces expé­riences ont un impact négatif avéré sur leur état de santé.

Nicolas Vignier et coll. Pratiques de rattrapage vaccinal des médecins exerçant en France pour les personnes migrantes arrivant sur le territoire français – résumé

Intro­duc­tion –Au regard des recom­man­da­tions fran­çaises, les personnes migrantes sont souvent incom­plè­te­ment vacci­nées. L’objectif de l’étude est d’évaluer les pratiques des méde­cins exer­çant en France en termes de rattra­page vaccinal des personnes migrantes.

Méthodes – Par l’intermédiaire de plusieurs sociétés savantes, une enquête sur les pratiques de préven­tion des mala­dies infec­tieuses a été réalisée par auto-ques­tion­naire en 2016–2018 auprès de méde­cins, exer­çant en France, impli­qués dans la prise en charge de migrants primo-arri­vants, quelle que soit leur spécialité.

Résul­tats – Au total, 372 méde­cins ont répondu à l’enquête. Les répon­dants étaient âgés de 42 ans en médiane, 64,5% étaient des femmes et 43,8% exer­çaient en Île-de-France. En l’absence d’informations sur le statut vaccinal d’une personne migrante, les pratiques des méde­cins en terme de rattra­page vaccinal appa­raissent très diverses : renou­vel­le­ment de la primo-vacci­na­tion complète (33,1%), utili­sa­tion des séro­lo­gies pré- (32,8%) ou post-vacci­nales (16,9%), reprise du calen­drier vaccinal en fonc­tion de l’âge en faisant l’hypothèse que la personne a été correc­te­ment primo-vaccinée (26,6%), ou collecte d’informations sur les pratiques vacci­nales dans les pays d’origine des patients (23,4%). Les femmes et les hommes méde­cins déve­loppent des pratiques vacci­nales diffé­ren­ciées, les premières s’aidant plus volon­tiers de sites spécia­lisés ou de séro­lo­gies post-vacci­nales, les seconds refai­sant plus souvent une primo-vacci­na­tion complète. La majo­rité (55,4%) des répon­dants ne font pas plus de 2 injec­tions vacci­nales le même jour.

Conclu­sion – Les pratiques des méde­cins exer­çant en France concer­nant le rattra­page vaccinal chez les personnes migrantes sont hété­ro­gènes. L’élaboration qui est en cours de recom­man­da­tions portées par la HAS et la SPILF devrait contri­buer à unifor­miser les pratiques.

Les refus de soins à cause de la CMU ou de l’AME rapportés par les femmes en famille, sans domicile, hébergées en Île-de-France – résumé

Contexte – Depuis 2002 en France, des études dénoncent le refus de soins touchant des béné­fi­ciaires de la Couver­ture maladie univer­selle (CMU) ou de l’Aide médi­cale d’État (AME). Cepen­dant, aucune n’a inves­tigué cette problé­ma­tique auprès des familles sans domicile.

Objec­tifs – L’objectif était d’estimer la préva­lence des refus de soins à cause de la CMU ou de l’AME rapportés par les femmes en famille, sans domi­cile, héber­gées en Île-de-France, et d’en iden­ti­fier les facteurs associés.

Maté­riel et méthode – L’enquête ENFAMS, réalisée en 2013 par l’Observatoire du Samu­so­cial de Paris, a été menée auprès d’un échan­tillon de 801 familles sans domi­cile héber­gées en Île-de-France. Leurs carac­té­ris­tiques socio­dé­mo­gra­phiques, leurs condi­tions de loge­ment, la mobi­lité rési­den­tielle et leur état de santé ont été recueillis par des enquê­teurs en 17 langues. Une régres­sion log-bino­miale a été utilisée pour étudier les facteurs asso­ciés aux refus de soins.

Résul­tats – La préva­lence déclarée des refus de soins à cause de la CMU ou de l’AME parmi les 561 femmes de l’échantillon concer­nées par ces couver­tures maladie était de 22,1% (IC95%: [18,0–26,3]). Les facteurs asso­ciés à une fréquence plus élevée du refus de soins étaient d’être née à l’étranger, avoir un mauvais état de santé perçu et déclarer avoir déjà été moins bien reçue par du personnel médical que les autres patients.

Conclu­sion –Cette première étude sur le refus de soins lié à la CMU et à l’AME chez les femmes sans domi­cile confirme des pratiques contraires à la loi, qui sont de véri­tables barrières à l’accès aux soins pour des personnes dont l’état de santé requiert prio­ri­tai­re­ment une prise en charge médicale.