Matthieu Solignac, « L’émigration des immigrés, une dimension oubliée de la mobilité géographique », Population, 2018/​4 (Vol. 73)

Résumé

Cet article analyse la mobi­lité géogra­phique des immi­grés par rapport à celle des natifs en tenant compte des départs du pays d’accueil. Alors que la mobi­lité rési­den­tielle de la plupart des natifs s’effectue au sein du terri­toire national, une propor­tion impor­tante d’immigrés le quitte pour leur pays de nais­sance ou un pays tiers. Mais ces flux d’émigration sont souvent occultés, tant par l’approche rétros­pec­tive habi­tuel­le­ment adoptée pour l’étude de la mobi­lité rési­den­tielle, qu’en raison du manque de données adap­tées pour mesurer les sorties du terri­toire. Ce travail se distingue en propo­sant une analyse du taux de départ des communes fran­çaises, quelle que soit la desti­na­tion. Dépas­sant la dicho­tomie entre migra­tion interne et migra­tion inter­na­tio­nale, cette approche inté­gra­le­ment fondée sur un suivi indi­vi­duel offre une mesure géné­rale de la mobi­lité incluant l’émigration. Ce travail est mené à partir de l’exploitation d’un large panel admi­nis­tratif constitué de recen­se­ments exhaus­tifs et de l’état civil. Repré­sen­tatif de la popu­la­tion, il permet un suivi systé­ma­tique des trajec­toires indi­vi­duelles sur le terri­toire métro­po­li­tain fran­çais entre 1968 et 1999, tout en demeu­rant repré­sen­tatif de l’ensemble de la popu­la­tion. La mobi­lité des immi­grés se révèle nette­ment plus élevée que celle habi­tuel­le­ment mesurée de façon rétros­pec­tive : elle est de 30 % à 50 % supé­rieure à celle des natifs. Un quart à un tiers des immi­grés observés à un recen­se­ment donné ont quitté le terri­toire fran­çais au bout de 7 à 9 ans.