Conférence : Ethnographic approaches to recording migrant deaths and disappearances à la conference international Ethnography and Qualitative Research Conference à Trento, Italie, le 9 et le 10 juin, 2023

Membres du projet MoCoMi, Filippo Furri et Linda Haapa­järvi ont coor­donné deux panels sur le thème « Ethno­gra­phic approaches to recor­ding migrant deaths and disap­pea­rances » à la ERQ confé­rence à Trento le 9 et le 10 juin (Lien vers le site de la confé­rence).

Le point du départ du panel était le constat suivant : Les registres de popu­la­tion sont une des prin­ci­pales tech­no­lo­gies utili­sées par les États modernes pour connaître et à gouverner leurs citoyens. Ces systèmes de collecte de données sont révé­la­teurs de projets poli­tiques puis­sants : ils confèrent des droits aux indi­vidus et informent le trai­te­ment des citoyens par les auto­rités publiques. Dans un monde marqué par d’in­tenses mobi­lités trans­fron­ta­lières, les bureau­cra­ties étatiques sont toute­fois confron­tées à la présence de non-citoyens de diffé­rents statuts sur leur terri­toire. D’un point de vue bureau­cra­tique, les migrants disparus ou décédés sont parti­cu­liè­re­ment problé­ma­tiques. Que ce soit pour des raisons pratiques ou poli­tiques, ils peuvent laisser peu de traces, voire aucune, dans les registres admi­nis­tra­tifs. Leur iden­tité peut être inconnue. Il n’est pas toujours clair quelles auto­rités – locales, natio­nales, supra­na­tio­nales – sont respon­sables pour le trai­te­ment des non citoyens morts ou disparus.

L’appel à commu­ni­ca­tion lancé en automne 2022, visait à attirer des cher­cheurs analy­sant des tenta­tives d’en­re­gis­tre­ment des décès et dispa­ri­tions de migrants à l’appui des approches métho­do­lo­giques inno­vantes, par exemple en produi­sant des bases de données locales de migrants décédés ou en recher­chant les disparus en ligne. Son objectif était d’of­frir un forum aux cher­cheurs pour qu’ils examinent de manière critique les pratiques de gouver­ne­ment de la mort et de la dispa­ri­tion en contexte des migra­tions sur la base de recherches empi­riques originales.

Les deux panels ont rassemblé des cher­cheurs impli­qués dans la recherche sur les décès et dispa­ri­tions de migrants ainsi que sur la mobi­lité trans­fron­ta­lière des restes mortels des migrants – des ques­tions qui posent un défi majeur aux bureau­cra­ties char­gées de gérer les flux de population.

Le vendredi matin, Filippo et Linda ont intro­duit le panel en resti­tuant les travaux présentés dans le contexte des recherches passées sur la dispa­ri­tion et la mort sur les fron­tières et en ouvrant de nouvelles pers­pec­tives pour les travaux en cours et à venir.

En parti­cu­lier, l’accent a été mis sur l’encadrement de la problé­ma­tique (analo­gies et diffé­rences entre les caté­go­ries de « border deaths » et de “missing migrants” par rapport à d’autres cas de dispa­ri­tions indi­vi­duelles ou collec­tives – dispa­ri­tions forcées, géno­cides, conflits armés), sur l’évolution d’une part des poli­tiques et des pratiques de recherche et de gestion des corps des personnes dispa­rues ou décé­dées en migra­tion, et des pers­pec­tives de recherche sur le sujet (le passage des tenta­tives des acteurs insti­tu­tion­nels et acti­vistes de compter les morts/​disparus vers une pers­pec­tive plus axée sur les pratiques et les tech­no­lo­gies qui visent à loca­liser les personnes dispa­rues et iden­ti­fier les corps retrouvés déployées notam­ment par les familles et divers acteurs de la société civile).

Trois présen­ta­tions ont eu lieu dans la matinée du vendredi 9 juin :

Giulia Sezzi, Scuola Normale Super­iore Pisa : ”The Disap­pea­ring Multi­tude. Disap­pea­rance as a Govern­mental Stra­tegy of the Euro­pean Border Regime »

Paola Diaz, École des hautes études en sciences sociales, Paris & Anne Rahel Fischer, Univer­sité du Québec à Mont­réal : « Ethno­graphy of forensic devises to register the deaths and disap­pea­rances of migrants cros­sing borders”

Chloé Tisse­rand, Univer­sité de Lille (égale­ment asso­ciée au projet MoCoMi). « Ethno­gra­phing the « border body » in forensic medicine »

La séance du samedi matin était arti­culée autour de quatre présentations :

Daniela De Bono, Univer­sity of Malta : “The Paupers of the Sea : Death, dignity and hospi­ta­lity in Malta”

Lisa Senecal, Univer­sity of Lisbon : “Death­no­graphy : An ethno­gra­phic study of Malta’s regime of borders through border-cros­sing deaths”

Sofia Stim­ma­tini, Univer­sité Libre de Bruxelles : « Missing migrants in Morocco : fami­lies and asso­cia­tions seeking truth and justice”

Valen­tina Zagaria, Univer­sity of Manchester & Moctar Dan Yaye, Alarm­phone Sahara : “Ceme­te­ries as commons ? Caring for the missing and the border dead in Niger and Tunisia”

L’impact du Covid-19 sur les pratiques de contrôle des fron­tières et du trai­te­ment des migrants, vivants ou morts, a été soulevé par plusieurs présen­ta­tions et lors des discus­sions collec­tives : tantôt utilisé pour des fins poli­tiques de légi­ti­ma­tion, ou de contes­ta­tion, des pratiques restric­tives ou liber­ti­cides, le contexte pandé­mique a façonné les pratiques des migrants, des familles, des orga­ni­sa­tions de la société civile et des cher­cheurs mais aussi les manières d’imaginer la mort, les fron­tières et le mouvement.

Grâce au soutien de MoCoMi, nous avons pu réunir les pane­listes autour d’un dîner, de conti­nuer les discus­sions et de réflé­chir à une publi­ca­tion commune ainsi qu’à de futures collaborations.