Empowerment et migration/​immigration : une rencontre tardive mais des travaux de plus en plus nombreux

La notion d’empo­werment, définie comme « un processus, un méca­nisme par lequel les indi­vidus, les orga­ni­sa­tions et les commu­nautés acquièrent la maitrise de leur vie »^[1]Rappa­port J., 1984. « Studies in Empo­werment : Intro­duc­tion to the Issue », Preven­tion in Human Services, vol. 3, n°2–3, p. 1–7. DOI : https://​doi​.org/​1​0​.​1​3​0​0​/​J​2​9​3​v​0​3​n02_02., est mobi­lisée dans plusieurs milieux et disci­plines scien­ti­fiques avec parfois un croi­se­ment avec d’autres théma­tiques comme celle de la migra­tion. Cepen­dant, à ce jour, très rares sont les travaux qui se sont inter­rogés sur le croi­se­ment entre l’empo­werment ou le « pouvoir d’agir »^[2]Le Bossé Y., 2003. « De l’« habi­li­ta­tion » au « pouvoir d’agir » : vers une appré­hen­sion plus circons­crite de la notion d’empo­werment », Nouvelles pratiques sociales, vol. 16, n°2, p. 30–51. DOI : https://​doi​.org/​1​0​.​7​2​0​2​/​0​0​9841ar, URL : https://​id​.erudit​.org/​i​d​e​r​u​d​i​t​/​0​0​9841ar., et la migra­tion dans le domaine des sciences humaines et sociales. Pour réflé­chir à cette ques­tion, nous avons réalisé une recherche docu­men­taire dans la base biblio­gra­phique Scopus sur l’évolution par année du nombre de publi­ca­tions qui mentionnent les termes migra­tion ou immi­gra­tion, empo­werment ou pouvoir d’agir, et celles qui combinent ces deux termes dans leur titre ou leur résumé, en anglais et en fran­çais (voir encadré métho­do­lo­gique). Nos résul­tats mettent en évidence deux points.

En terme de stock, on dénombre 185 258 publi­ca­tions réper­to­riées sur les migra­tions sur Scopus. On compte moins de la moitié de ce nombre pour l’empo­werment ou le pouvoir d’agir (n=54 814) et moins d’un dixième pour les publi­ca­tions qui allient les deux thèmes (n=1698). Cet écart vient en partie d’une histoire très diffé­rente dans l’émergence de ces thèmes de recherche. Alors que les publi­ca­tions sur la migra­tion font leur appa­ri­tion dès la fin du XiX^e siècle, celles sur l’empo­werment prennent leur envol au milieu des années 1970, et les travaux qui allient ces deux notions ne connaissent un essor qu’au cours des années 1990. Ces écarts mettent égale­ment en lumière l’émergence tardive d’un intérêt des sciences humaines et sociales à penser ces deux notions conjointement.

« […] à ce jour, très rares sont les travaux qui se sont interrogés sur le croisement entre l’empowerment ou le « pouvoir d’agir », et la migration dans le domaine des sciences humaines et sociales. »

Karna Couli­baly, démo­graphe et Andrai­nolo Rava­li­hasy, statis­ti­cien

L’intérêt accordé à la notion d’empo­werment dans le milieu du déve­lop­pe­ment, sa mobi­li­sa­tion pour penser la fragi­li­sa­tion des popu­la­tions immi­grées par plusieurs phéno­mènes socio-sani­taires ainsi que la démons­tra­tion de l’efficacité des approches basées sur l’empo­werment^[3]Waller­stein N., 2006. What is the evidence on effec­ti­ve­ness of empo­werment to improve health ? Report, Copen­hague, WHO Regional Office for Europe’s Health Evidence Network (HEN). URL : https://​www​.euro​.who​.int/​_​_​d​a​t​a​/​a​s​s​e​t​s​/​p​d​f​_​f​i​l​e​/​0​0​1​0​/​7​4​6​5​6​/​E​8​8​0​86.pdf ; Ferron C., 2010. « La preuve est faite : l’empowerment et la … Lire la suite ont sans doute contribué à accroitre cet intérêt. Dès lors, depuis les années 1990, de plus en plus de travaux s’y inté­ressent. On est ainsi passé d’une dizaine de publi­ca­tions annuelles en 1990 à près de 200 en 2020. La tendance des publi­ca­tions laisse voir une amélio­ra­tion annuelle constante, cepen­dant, traduit-elle la néces­saire parti­ci­pa­tion des commu­nautés dans le processus d’acquisition de la maitrise de leur vie ?