Bienvenue au ciné-club de l’Institut Convergences Migrations ! #3

En atten­dant la reprise de ses programmes habi­tuels, l’Institut Conver­gences Migra­tions vous propose son ciné-club en ligne, en prolon­ge­ment du cycle  « Migra­tions : des films et des cher­cheurs ». Partons à la (re)découverte de films d’hier et d’aujourd’hui : récits d’exil et de fron­tières, mais aussi d’amour et d’hospitalité.

Cette nouvelle séance est consa­crée à Sans retour possible réalisé en 1983 par Jacques Kéba­dian et Serge Avédi­kian, dont la pelli­cule a été récem­ment restaurée aux Labo­ra­toires Éclair par la Ciné­ma­thèque française.

Au sujet du film

Trois mots, « sans retour possible », inscrits au début des années 1920 sur les passe­ports des émigrants armé­niens fuyant la Turquie. Trois mots pour dire l’exil, devenus pierre de soutè­ne­ment du récit fonda­teur de la diaspora arménienne.

En 1982, Jacques Kéba­dian et Serge Avédi­kian prennent la caméra pour bâtir ce film poly­pho­nique aux ambi­tions inédites. Au « portrait d’un peuple dispersé », succède la quête du pays perdu, le voyage initia­tique qu’accomplissent les nouvelles géné­ra­tions pour se rendre… où ? Les uns en Turquie, les autres en Arménie sovié­tique. Portrait et mouve­ment, donc.

Photo­gramme « Sans retour possible »

Témoi­gnages, rues, lieux commu­nau­taires de Marseille, Valence ou Nice, sont insérés dans une construc­tion filmique rigou­reuse, où les images du présent sont ponc­tuées d’archives montrant, par exemple, des grappes d’orphelins en noir-et-blanc. En France, où ils sont désor­mais fort âgés, certains de ces enfants racontent. Tous font commencer leur récit d’exil en 1915 : au géno­cide qui a anéanti les 2/​3 des Armé­niens otto­mans. Ici, la migra­tion est arra­che­ment, survie et destruction.

Paroles, chants, esca­liers que dévalent les enfants à Marseille, églises de quar­tier ou radio locale : ces frag­ments trouvent leur unité dans le regard que posent les réali­sa­teurs sur les desti­nées armé­niennes. Celles-ci sont ados­sées à des valeurs communes, à une centra­lité loin­taine (le pays d’origine), selon le modèle de la « racine » qu’une partie des études sur les diasporas s’attachera plus tard à décons­truire, au profit du « rhizome ». Reste qu’il est passion­nant d’observer la manière dont le film s’attache à montrer la cohé­sion d’un peuple dispersé, parvenu sur la durée à entre­tenir un senti­ment national : « de nouveau, nous sommes là », confie une vieille Armé­nienne, filmée juste à temps.

Anouche Kunth, fellow de l’Ins­titut des Migrations

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