Petit à petit, l’empilement législatif est allé ces trente dernières années vers plus de fermeté sans jamais renverser la table. De droite comme de gauche, les dirigeants se réfugient derrière des critères économiques qui n’ont pas lieu d’être.
Extrait
« Débattre de manière régulière et au grand jour » sur l’immigration. La phrase d’Edouard Philippe, qui ouvre ce lundi un débat parlementaire que l’exécutif veut rendre annuel, fait sourire François Héran. « Quand on dit qu’il faut « oser regarder les choses en face », c’est saugrenu. Depuis Giscard d’Estaing, on ne cesse de parler d’immigration », lâche le professeur au Collège de France, où il dirige la chaire « Migrations et Société ». Maître de conférences en sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Sylvain Laurens abonde : « Depuis les années 70, il y a une mise à l’agenda permanente. Chaque année il y a un nouveau débat, mais le cadrage change : on prend l’angle de l’économie, de la laïcité, de la sécurité, etc. Chaque acteur politique, y compris à gauche, joue ce jeu du « c’est tabou mais je vais en parler »… Mais c’est ce que disent tous les dirigeants !»
Gauche, droite, ces quarante dernières années, chacun y est allé de sa formule. « On a l’impression que c’est le FN qui a mis ça sur la table mais l’électorat du FN n’était pas un problème pour Giscard, ajoute Sylvain Laurens. L’hostilité aux étrangers, telle qu’on la met dans la bouche du peuple, permet de justifier les politiques migratoires et élude la question de l’éventuel racisme des dirigeants. » Ce sera Jacques Chirac, avec son « bruit et l’odeur ». Ou Jean-Marie Le Pen, pour qui « 1 million de chômeurs, c’est 1 million d’immigrés de trop ». Reprenant l’antienne rabâchée sur tout l’échiquier politique – lier « humanité et fermeté » quand on légifère sur l’immigration –, l’ex-ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, Gérard Collomb, s’inscrivait dans la continuité de la formule de Michel Rocard sur l’incapacité à « accueillir toute la misère du monde ».
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