Sociologue et démographe, ancien directeur de l’Ined (Institut national d’études démographiques), François Héran est professeur au Collège de France, titulaire depuis 2017 de la chaire « Migrations et sociétés ». Il est également directeur de l’Institut Convergences Migrations, porté par le CNRS et sept autres institutions. Dans cet entretien, il relativise les efforts réalisés par la France pour accueillir les demandeurs d’asile et revient sur les termes du débat lancé par Emmanuel Macron sur l’immigration.
Quelle est votre analyse du tableau de la situation migratoire en France donné par Emmanuel Macron dans son discours du 17 septembre dernier ?
Dans ce discours, comme dans son entretien avec les journalistes d’Europe 1 deux jours plus tard, le président de la République a repris à son compte l’idée répandue selon laquelle la France serait en passe de « devenir le premier pays d’Europe pour la demande d’asile ». Or ce diagnostic est faux. Il repose sur une comparaison bancale, qui se contente de manier des chiffres absolus.
Quand on veut comparer les pressions migratoires qui s’exercent à travers l’Europe, il faut raisonner proportionnellement, en tenant compte de la population des pays concernés, de leur richesse, de leur territoire. Ainsi, de juillet 2018 à juin 2019, en l’espace de douze mois, la France a enregistré 115 000 demandes d’asile et la Grèce 66 000. Faut-il en conclure que la France subit une pression deux fois plus forte que la Grèce ? ce serait parfaitement saugrenu : elle est six fois plus peuplée (67 millions d’habitants contre 10,8) ! Faites le rapport : en un an, la Grèce a reçu 6 100 demandes d’asile par million d’habitant, la France pas plus de 1 730.
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