Avoir une maladie chronique n’est pas la première cause d’anxiété et de dépression chez les immigré-e‑s d’Afrique subsaharienne

Julie Pannetier, démographe

DF08-EC

Facteurs associés aux symptômes anxieux et dépressifs chez les immigré-e‑s d’Afrique subsaharienne en Île-de-France, selon l’enquête Parcours. 2012–2013. Crédit : Julie Pannetier.

Comment lire ce graphique

Pour chaque situa­tion (profes­sion­nelle, admi­nis­tra­tive, raisons de la migra­tion, etc.), il y a plusieurs caté­go­ries possibles (colonne de gauche). Quand une caté­gorie est suivie d’un point rouge, cela veut dire que les symp­tômes anxio-dépres­sifs sont signi­fi­ca­ti­ve­ment plus fréquents dans cette caté­gorie. Plus le point rouge est éloigné de la ligne verti­cale noire, plus les symp­tômes sont fréquents dans cette catégorie.

Par exemple : les femmes et les hommes « sans emploi » présentent plus souvent des symp­tômes anxio-dépres­sifs que ceux occu­pant un « emploi à quali­fi­ca­tions inter­mé­diaires ou élevées ». Le point rouge étant plus éloi­gnée de la ligne verti­cale chez les femmes, la proba­bi­lité qu’elles présentent ces symp­tômes est encore plus forte.

L’enquête biogra­phique Parcours a été conduite entre février 2012 et mai 2013 dans 74 struc­tures de santé d’Île-de-France, où vivent 60 % des personnes immi­grées origi­naires d’Afrique subsa­ha­rienne en France. Trois groupes de personnes immi­grées origi­naires d’Afrique subsa­ha­rienne ont été inter­rogés : 926 personnes vivant avec le VIH, 779 personnes porteuses d’une hépa­tite B chro­nique et un groupe de 763 personnes n’ayant aucune de ces deux patho­lo­gies. Le niveau de symp­tômes anxieux et dépres­sifs a été évalué avec le « patient-health-ques­tion­nai­re‑4 » (PHQ‑4) qui comprend deux ques­tions évaluant les symp­tômes anxieux et deux ques­tions mesu­rant les symp­tômes dépressifs.

Diffé­rentes formes de violences touchent les femmes et les hommes en exil : violences poli­tiques, insti­tu­tion­nelles et de genre mais aussi dues à l’insécurité admi­nis­tra­tive. Ils déve­loppent des symp­tômes appelés anxieux et dépres­sifs, troubles du sommeil, angoisse perma­nente, tris­tesse, dépression.

Cette étude examine les facteurs asso­ciés à ces symp­tômes chez les immigré-e‑s origi­naires d’Afrique subsa­ha­rienne atteints d’une maladie chro­nique (VIH ou l’hépatite B). Elle montre qu’ils ne sont pas liés à la maladie, mais aux diffi­cultés du parcours migra­toire et surtout aux condi­tions de vie en France.

Ainsi les femmes qui ont fuit un pays où elles se sentaient mena­cées présentent un risque plus élevé de déve­lopper ces symp­tômes, mais c’est aussi le cas des hommes qui vivent en France avec une auto­ri­sa­tion provi­soire de séjour ou pas de titre du tout. Les symp­tômes sont ainsi plus fréquents chez les personnes qui n’ont pas de travail, ont connu des violences sexuelles au cours de leur vie ou qui ont dormi ou dorment encore dans la rue.

L’instabilité admi­nis­tra­tive, écono­mique et rési­den­tielle fragi­lise indé­nia­ble­ment la santé mentale.


Pour aller plus loin 

Julie Panne­tier, France Lert, Marie Jauf­fret Rous­tide et Annabel Desgrées du Loû, « Mental health of sub-saharan african migrants : The gendered role of migra­tion paths and trans­na­tional ties », SSM – Popu­la­tion Health, Décembre 2017 (vol. 3). Les données de l’enquête ANRS-Parcours sont égale­ment dispo­nibles sur le portail d’accès aux données en sciences humaines et sociales Quételet-PROGEDO.

Annabel Desgrées du Loû, démo­graphe à l’IRD et direc­trice adjointe de l’Ins­titut Conver­gences Migra­tions, présente un autre aspect de l’enquête Parcours dans De facto #4.

Anne Gosselin, Annabel Desgrées du Loû, Eva Lelièvre, et al., « Migrants subsa­ha­riens : combien de temps leur faut-il pour s’installer en France ? », Popu­la­tions et Sociétés, n° 533, mai 2016.

Auteur

Julie Panne­tier est maîtresse de confé­rences à l’Université Paris Nanterre et membre du Centre de recherches socio­lo­giques et poli­tiques de Paris – Genre, travail mobi­lités (Cresppa-GTM). Elle est aussi fellow de l’Institut Conver­gences Migrations.

Pour citer cet article

Julie Panne­tier, « Avoir une maladie chro­nique n’est pas la cause première de de l’anxiété et la dépres­sion chez les immigré-e‑s d’Afrique subsa­ha­rienne », Dossier “La santé mentale des immigré.e.s se dété­riore après leur arrivée”, De facto [En ligne], 8 | juin 2019, mis en ligne le 15 juin 2019. URL : https://www.icmigrations.cnrs.fr/2019/06/13/defacto‑8–004

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