Comment se fabrique un oracle. La prophétie de la ruée africaine sur l’Europe

Par Fran­çois Héran, 18 septembre 2018

Nous remer­cions La Vie des idées pour son aimable auto­ri­sa­tion de publier cet article en simul­tané sur notre site. Lire cet article sur le site de La Vie des idées.

Les prédic­tions alar­mistes sur les migra­tions afri­caines ont le vent en poupe. Fran­çois Héran montre qu’elles ne reposent pas tant sur une approche démo­gra­phique que sur une conjec­ture écono­mique, et un sophisme : le déve­lop­pe­ment de l’Afrique ne pour­rait se faire qu’au détri­ment de l’Europe.

En couver­ture, une image-satel­lite de l’Afrique la nuit et ce titre en lettres jaunes : « La Ruée vers l’Europe ». Quelques lueurs percent les ténèbres à hauteur du Nigéria, de l’Afrique du Sud ou des côtes du Maghreb ; d’autres soulignent le cours du Nil et son delta. Le contraste est saisis­sant avec les taches lumi­neuses qui constellent le conti­nent euro­péen, et le message est clair : comment les popu­la­tions de l’Afrique noire ne seraient-elles pas atti­rées par les lumières du Nord ?

« La Ruée vers l’Europe »[i]… Raco­leur s’il en est, ce titre n’est pas une initia­tive de l’éditeur car, dès l’introduction, l’auteur assène sa conclu­sion : « la jeune Afrique va se ruer vers le Vieux Conti­nent, cela est inscrit dans l’ordre des choses… » (p. 15). Et de citer deux précé­dents : l’exode des Euro­péens pauvres vers le Nouveau monde à la fin du xixe siècle, la migra­tion en masse des Mexi­cains vers les États-Unis depuis les années 1970. Si les Afri­cains suivaient l’exemple mexi­cain d’ici à 2050, « dans un peu plus de trente ans, entre un cinquième et un quart de la popu­la­tion euro­péenne serait alors d’origine afri­caine » (p. 18). Dans un entre­tien donné au Figaro le 14 septembre dernier, Stephen Smith s’étonne qu’on puisse juger ces propos exces­sifs, comme je l’ai fait dans un article récent[ii] : « ruée » ne voudrait pas dire « inva­sion » mais seule­ment « défi démo­gra­phique ». Réfuter sa théorie sur la base d’arguments chif­frés, c’est jeter l’« anathème » sur son livre, « étouffer le débat ». À ce compte, les mots ont-ils encore un sens ? L’enjeu est suffi­sam­ment grave pour qu’on prenne la peine d’approfondir le débat en exami­nant les méthodes, les hypo­thèses et surtout les présup­posés d’une prophétie qui doit sa séduc­tion au fait qu’elle se veut à la fois fracas­sante et mesurée.

Car les chiffres annoncés par Smith ont fait mouche. Dans son entre­tien du Palais de Chaillot (15 avril 2018), le président Macron a justifié sa poli­tique migra­toire restric­tive en invo­quant la « bombe » de la démo­gra­phie afri­caine « formi­da­ble­ment décrite » dans l’ouvrage de Smith. Pour Marcel Gauchet, inter­rogé dans L’Obs, c’est une lecture qu’il faudrait rendre « obli­ga­toire pour tous les hommes poli­tiques » (27 juin 2018) — une décla­ra­tion saluée par le séna­teur socia­liste du Loiret, Jean-Pierre Sueur (blog du 2 juillet 2018). Et l’on pour­rait citer d’autres figures de la scène intel­lec­tuelle ou poli­tique fran­çaise qui s’appuient sur ce scénario d’allure démo­gra­phique pour appeler la classe poli­tique à « prendre ses respon­sa­bi­lités » face à l’afflux des migrants.

Une « ruée » assurée, à condition que…

Il faut attendre les pages 139 et 143 de l’essai de Stephen Smith pour décou­vrir que l’annonce sensa­tion­nelle d’une ruée prochaine de l’Afrique subsa­ha­rienne sur la vieille Europe ne pourra s’accomplir qu’à « deux condi­tions majeures » : que cette région du monde sorte de la pauvreté en l’espace d’une tren­taine d’années et que ses diasporas aient eu aupa­ra­vant le temps de se déve­lopper. On découvre alors — j’y revien­drai — que la prophétie de la « ruée » relève plus de la conjec­ture écono­mique que de la prévi­sion démo­gra­phique. Smith le sait, les projec­tions démo­gra­phiques de l’ONU actua­li­sées tous les deux ans ont beau annoncer un peu plus qu’un double­ment de la popu­la­tion subsa­ha­rienne d’ici 2050 (elle passe­rait de 900 millions à 2,2 milliards dans le scénario médian), cela ne suffira pas à déclen­cher le raz-de-marée annoncé. Il doit imaginer pour cela des forces d’attraction autre­ment plus puissantes. 

L’analogie avec le Mexique repose, en effet, sur une péti­tion de prin­cipe, qui consiste à s’accorder d’emblée le résultat à démon­trer (begging the ques­tion, dit-on en anglais). Imagi­nons, dit Smith en substance, que l’Afrique au sud du Sahara atteigne à brève échéance (avant 30 ans) le niveau de déve­lop­pe­ment du Mexique, ses habi­tants migre­raient alors dans les mêmes propor­tions que les Mexi­cains aux États-Unis. C’est oublier que l’Afrique subsa­ha­rienne n’est pas le Mexique — pas même le Mexique d’il y a trente ans — et que Ouaga­dougou ou Niamey n’ont pas grand-chose à voir avec Mexico ou Guada­la­jara. Si l’on place l’indice de déve­lop­pe­ment humain sur une échelle de 1 à 10, comme je l’ai fait dans la publi­ca­tion de l’INED, la plupart des pays subsa­ha­riens se situent en 1, tandis que le Mexique est en 6, la France en 9 et les États-Unis en 10. Autant les migra­tions du niveau 6 vers le niveau 10 sont massives (25 millions de personnes dans les diasporas concer­nées), autant celles qui vont du niveau 1 aux niveaux 9 ou 10 sont limi­tées (moins de 2,3 millions). Or qui peut croire qu’à l’échéance de 2050, l’Afrique subsa­ha­rienne aura brûlé les étapes du déve­lop­pe­ment pour rejoindre la posi­tion rela­tive actuelle du Mexique ? 

Il ne suffit pas de recourir à l’hypothèse d’une « masse critique » d’habitants accé­dant à la pros­pé­rité pour accré­diter le scénario d’une muta­tion géné­rale des compor­te­ments dans un si bref délai, alors même que l’explosion démo­gra­phique qui préoc­cupe tant l’auteur est, tout au contraire, le résultat d’une stag­na­tion persis­tante de la tran­si­tion démo­gra­phique, avec les taux de fécon­dité les plus élevés du monde. Souli­gner cette stag­na­tion, ce n’est pas enfoncer l’Afrique dans la fata­lité du sous-déve­lop­pe­ment, c’est faire preuve d’un minimum de réalisme : rien ne permet d’étayer le scénario d’une chute immi­nente et ultra-rapide de la fécon­dité subsa­ha­rienne sur le modèle de la Chine, de l’Iran ou de l’Algérie.

Ramener l’inconnu au connu

Il n’est guère besoin de réfuter le paral­lèle avec la migra­tion euro­péenne vers le Nouveau Monde, tant les facteurs d’attraction de ce dernier au XIXe siècle diffèrent de ceux de l’Europe du XXIe. Le paral­lèle avec le Mexique me paraît plus inté­res­sant, car il illustre bien la méthode docu­men­taire de l’auteur. Les réfé­rences citées en appui, « Millman 2015 » et « Douthat 2015 », ne renvoient pas à des recherches scien­ti­fiques mais, pour la première, à un édito­rial de la revue Poli­tico,« Africa will domi­nate the next century », signé en mai 2015 de Noah Millman, tandis que la seconde (absente de la biblio­gra­phie mais qu’on repère aisé­ment sur Internet) remonte à une tribune de Ross Douthat, « Africa’s Scramble for Europe », publiée en août 2015 dans le New York Times. Si l’on prend la peine de se reporter au texte de Millman, on découvre que le long déve­lop­pe­ment de Smith sur le modèle mexi­cain (p. 179), central dans l’argumentation de l’ouvrage, décalque ses formules de très près (comme, par exemple, la compa­raison du Rio Grande avec la Médi­ter­ranée) sans se soucier d’apposer des guille­mets. Mais qui est Millman ? Respon­sable de la rubrique litté­raire de Poli­tico, il n’est ni démo­graphe ni spécia­liste de l’Afrique mais il a travaillé naguère dans la finance et sait faire une règle de trois. Sa méthode est simple : il s’agit de convaincre l’auditoire améri­cain peu au fait de l’Afrique en rame­nant l’inconnu au connu, c’est-à-dire en plaquant le modèle mexi­cain sur les réalités afri­caines. Quant à Ross Douthat, auteur régu­lier de tribunes trai­tant à peu près de tous les sujets, il est cité parce qu’il cite… Millman.

En fin d’ouvrage, Smith nous explique qu’à pour­suivre l’aide au déve­lop­pe­ment ou à trop favo­riser l’immigration, la poli­tique euro­péenne « risque de trans­former les flux migra­toires afri­cains en ruée vers l’Europe » (p. 225, je souligne). Surprise du lecteur : la ruée proclamée en couver­ture avec tant d’aplomb n’est donc plus inéluc­table ? Qu’importe, le correctif vient trop tard pour retenir l’attention des commen­ta­teurs, qui sont rare­ment allés plus loin que la couver­ture ou l’introduction. Le message qui « imprime » dans le débat public, comme on dit de nos jours, est celui que l’auteur a choisi de mettre en exergue, le seul qui pouvait garantir le succès du livre, à savoir : le pire est sûr, l’Europe sera submergée par l’Afrique.

Un para­doxe majeur du livre est qu’il contient les éléments qui minent la thèse prin­ci­pale. L’auteur sait perti­nem­ment qu’à l’échelle mondiale ce ne sont pas les régions les plus pauvres qui émigrent le plus. Il sait qu’au sud du Sahara l’on manque des ressources néces­saires pour migrer en masse. Il ne lui a pas échappé non plus (c’est dûment rappelé en quatrième de couver­ture) que l’aide au déve­lop­pe­ment a toutes chances de relancer l’émigration au lieu de la réduire — au point que certains commen­ta­teurs, comme Marcel Gauchet, ont crédité Stephen Smith de cette décou­verte, comme si les écono­mistes du déve­lop­pe­ment ne l’avaient pas déjà établie de longue date. 

Smith, à dire vrai, semble lui-même la tenir de seconde main. Il cite longue­ment sur le sujet un édito­rial de Jeremy Harding, l’un des rédac­teurs en chef de la London Review of Books, auteur d’un livre-repor­tage sur le passage des fron­tières (p. 148–149). On retrouve ainsi dans la Ruée quelques acquis de la recherche, mais transmis par des voies indi­rectes — de préfé­rence jour­na­lis­tiques et litté­raires. On ne saurait lui en faire grief. Le problème est ailleurs : il réside dans le fait qu’à l’heure de tirer sa conclu­sion, Smith ne tient aucun compte de ces acquis. 

Une documentation lacunaire

Livre bien docu­menté, ai-je lu çà et là. Je suis frappé du contraire. Pour un spécia­liste chevronné de l’Afrique, la docu­men­ta­tion est lacu­naire et obso­lète. Smith soutient, par exemple, que les démo­graphes se seraient aveu­glés sur l’évolution de la fécon­dité afri­caine. C’est oublier que le plus lu des démo­graphes afri­ca­nistes dans les années 1990, John Cald­well, avait attiré l’attention de ses collègues sur le retard de la tran­si­tion démo­gra­phique dans les pays enclavés de l’Afrique subsa­ha­rienne, y compris dans un article remarqué de Pour la Science [iii]. En 2004 déjà, Domi­nique Tabutin et Bruno Schou­maker, dans un bilan détaillé de la démo­gra­phie de l’Afrique publié par l’INED, avaient dûment signalé que la baisse de la fécon­dité était enrayée dans une quin­zaine de pays afri­cains, faute d’être soutenue par un déve­lop­pe­ment écono­mique et social suffi­sant[iv]. Plus récem­ment, en 2015, un éminent démo­graphe de l’INED, Henri Leridon, est revenu à la charge sur « la tran­si­tion démo­gra­phique explo­sive » de l’Afrique[v]. Aveugles, les démo­graphes ? La cécité est plutôt du côté de l’auteur, qui ne cite aucune de ces publi­ca­tions, alors que les revues Pour la Science, Popu­la­tion ou Futu­ribles sont aisé­ment accessibles.

Plus récem­ment, Popu­la­tion and Deve­lop­ment Review, une revue phare dans le domaine de la démo­gra­phie des pays du Sud, a réuni treize articles sur l’évolution de la fécon­dité en Afrique subsa­ha­rienne, dont l’un signé d’une démo­graphe fran­çaise[vi]. Cette paru­tion est posté­rieure à la rédac­tion de la Ruée. Mais, qu’on lise l’introduction géné­rale, assortie d’une copieuse biblio­gra­phie, et l’on verra que l’évolution de la démo­gra­phie afri­caine, loin d’avoir été « délaissée » par les démo­graphes dans les dernières décen­nies, a fait l’objet de débats intenses, y compris à l’époque où l’épidémie de sida captait le plus gros de l’attention.

Smith évoque au passage la « tragédie statis­tique » de l’Afrique, c’est-à-dire le manque drama­tique de données statis­tiques sur ce conti­nent. C’est peut-être vrai des données écono­miques mais, s’agissant des données démo­gra­phiques, ce constat est obso­lète. Tabutin et Schou­maker souli­gnaient déjà en 2004 « un progrès consi­dé­rable des connais­sances » sur la démo­gra­phie de l’Afrique, que ce soit sur la fécon­dité, la morta­lité ou les migra­tions. Il faut jeter un coup d’œil au volume métho­do­lo­gique que la divi­sion de la Popu­la­tion des Nations-Unies a publié en ligne en 2017 pour accom­pa­gner la sortie de ses dernières projec­tions ; on y voit que les experts de la divi­sion ont intégré les tendances four­nies par une longue série d’enquêtes : plusieurs dizaines pour le seul Nigéria ! Infor­ma­tions très acces­sibles, là encore. Encore fallait-il, pour les trouver, sortir de l’essayisme ou de la sphère journalistique. 

Smith fait grand cas des enquêtes compi­lées par l’Institut Gallup sur les inten­tions de migrer, selon lesquelles plus d’un tiers des Subsa­ha­riens aime­raient quitter leur pays. Il cite les chiffres de seconde main (via un article de L’Opinion) et sans le moindre recul. Or il faut revenir à la ques­tion posée : « dans l’idéal, si vous en aviez l’occasion, aime­riez-vous vous installer dura­ble­ment dans un autre pays ou conti­nuer de vivre ici ? » Dès qu’on demande si cela pour­rait se faire dans les douze mois et, plus encore, si des prépa­ra­tifs ont été engagés, les taux s’effondrent à moins de 5 %. Il y a loin du rêve à la réalité. Les cher­cheurs italiens qui ont récu­péré les données de ces enquêtes à la demande de la Commis­sion euro­péenne abou­tissent à la même conclu­sion : l’« Indice de migra­tion poten­tielle » construit par Gallup sur cette base n’a aucune valeur prédic­tive[vii]. Pas plus qu’il n’en a, du reste, pour les jeunes Fran­çais, qui déclarent dans ces mêmes enquêtes des inten­tions d’émigrer cinq fois supé­rieures à la réalité observée.

Une source-clef : la base mondiale des diasporas

La lacune la plus criante de la Ruée est l’absence de réfé­rence à une source majeure de connais­sances sur l’état des diasporas dans le monde, la « Base bila­té­rale des migra­tions » dressée conjoin­te­ment depuis une quin­zaine d’années par l’OCDE, la Banque mondiale et le FMI, une base que j’ai exploitée, après nombre de cher­cheurs, dans ma récente publi­ca­tion[viii]. Il s’agit d’un tableau de 215 lignes et 215 colonnes, télé­char­geable sur un tableur stan­dard, qui fournit pour chaque pays ou terri­toire de la planète le nombre de natifs rési­dant ailleurs, soit un total de 266 millions de migrants sur 7,7 milliards d’habitants. Alors que les premières éditions de cette matrice se conten­taient le plus souvent du critère de la natio­na­lité, c’est désor­mais le pays de nais­sance qui est retenu pour la grande majo­rité des pays, ce qui signifie que, contrai­re­ment à une rumeur tenace (qui hante encore les blogs), les immi­grés natu­ra­lisés conti­nuent de compter pour le démo­graphe des migra­tions. Les sources compi­lées dans cette base bila­té­rale ne se limitent pas aux recen­se­ments ; elles incluent les registres de popu­la­tion et, mieux encore, les tendances tracées par les enquêtes démo­gra­phiques auxquelles je viens de faire allusion. 

Figure 1. Distri­bu­tion des migrants dans le monde selon l’indice de déve­lop­pe­ment humain (IDH) du pays d’origine et du pays hôte.
Lecture : l’IDH combine espé­rance de vie, scola­ri­sa­tion et revenu par tête. Il est ordonné ici en 10 groupes comp­tant un nombre égal de pays. Les pays les moins déve­loppés (groupes 1 et 2) ont très peu de migrants dans les pays les plus déve­loppés (9–10), à la diffé­rence des pays de rang moyen ou élevé. Sont inclus en 6>10 les Mexi­cains aux États-Unis ; en 4>10 les Philip­pins au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis ; en 3>10 les Pakis­ta­nais dans ces mêmes pays, ainsi que les Syriens en Alle­magne, Autriche et Suède. La France est dans le groupe 9. Figure reprise du bulletin Popu­la­tion et sociétés, n° 558, sept. 2018

Un avan­tage majeur de cette matrice mondiale des diasporas est le rappro­che­ment systé­ma­tique des infor­ma­tions entre origine et desti­na­tion, qui permet un contrôle de cohé­rence croisé, pays par pays. La qualité de cet outil n’a cessé de s’améliorer à mesure que les écono­mistes du FMI ou de l’OCDE se sont employés à l’actualiser. Insistons‑y : cette qualité ne dépend pas du travail de tel ou tel orga­nisme statis­tique, national ou inter­na­tional ; il est d’abord la résul­tante des efforts accom­plis par les orga­nismes du monde entier. La théorie du complot, si prompte à dénoncer « l’omerta des chiffres », devrait imaginer une conspi­ra­tion mondiale pour soutenir que ces chiffres sont dénués de valeur. 

Que faire d’une telle base de données ? Chacun est libre de l’enrichir en affec­tant à chaque pays une série d’indicateurs perti­nents récu­pé­rables depuis d’autres bases de données, qu’ils soient démo­gra­phiques, écono­miques, éduca­tifs, linguis­tiques, juri­diques ou géopo­li­tiques. L’utilisateur peut égale­ment quali­fier les écarts obser­vables entre les pays deux à deux : distance géogra­phique, fron­tière commune, écart des revenus, exis­tence d’une ancienne rela­tion colo­niale, impor­tance de la diaspora déjà installée et autres facteurs plus quali­ta­tifs. Il peut aussi regrouper les pays à sa guise dans des ensembles signi­fi­ca­tifs. Il peut enfin appli­quer à cette base des taux de crois­sance poten­tiels par sexe et âge, empruntés à des projec­tions démo­gra­phiques, comme celles de l’ONU.

Ces trai­te­ments de données sont forcé­ment plus labo­rieux que la lecture des tribunes poli­tiques ou des édito­riaux litté­raires mais il s’en dégage un fais­ceau de conclu­sions conver­gentes, déga­gées de longue date par les écono­mistes et les démo­graphes et qui, toutes, viennent ruiner le schéma des vases commu­ni­cants. On s’imagine souvent que les pays les plus jeunes sont voués à migrer vers les pays les plus âgés, les plus féconds vers les moins féconds, les plus pauvres vers les plus riches, les plus denses vers les moins denses, les pays tropi­caux vers les pays tempérés… Combien de fois n’ai-je pas lu que les « hautes pres­sions démo­gra­phiques » allaient fata­le­ment se répandre dans les aires de « basses pres­sions », alimen­tant ainsi l’idée d’un « suicide démo­gra­phique de l’Europe » créa­teur d’« appel d’air » ! Hélas, ce n’est pas parce qu’une méta­phore est évoca­trice qu’elle est forcé­ment juste. L’image du trop-plein-qui-déborde est impuis­sante à rendre compte des phéno­mènes démo­gra­phiques, y compris des flux migratoires. 

Une conjecture plus économique que démographique 

Dans son entre­tien au Figaro, Stephen Smith juge sans intérêt la base mondiale des diasporas au motif qu’elle n’envisage pas le scénario de crois­sance écono­mique accé­lérée qu’il postule pour l’Afrique. C’est confondre les registres. Une base de ce type donne à voir la répar­ti­tion mondiale des migra­tions à un instant donné : elle ne saurait inté­grer a priori les hypo­thèses de crois­sance pour l’avenir. Mais si l’on veut projeter des hypo­thèses pour les décen­nies à venir, c’est une toile de fond indis­pen­sable. Sans ce cadrage, les hypo­thèses se perdent dans le vide et deviennent incon­trô­lables ; elles restent à la merci du libre jeu des analo­gies, y compris les plus irréalistes. 

En croi­sant pour chaque géné­ra­tion la base mondiale des migra­tions avec les projec­tions démo­gra­phiques de l’ONU pour 2050, on est en mesure d’estimer le poids des diasporas dans les pays d’accueil, dans l’hypothèse d’une persis­tance des facteurs actuels d’émigration. C’est ce que j’ai fait dans le bulletin Popu­la­tion et sociétés de septembre 2018, déjà cité, avec pour résultat un nombre de migrants subsa­ha­riens pour 2050 très infé­rieur au chiffre avancé par Stephen Smith, environ cinq fois moindre. Que signifie cet écart ? Tout simple­ment que le scénario de la « ruée » migra­toire de l’Afrique subsa­ha­rienne sur l’Europe ne résulte pas, pour l’essentiel, d’un déter­mi­nisme démo­gra­phique mais d’une conjec­ture écono­mique, alors qu’une partie de l’argumentaire déve­loppé par Smith, celle qui est portée par le sous-titre (« la jeune Afrique en route vers le Vieux Conti­nent »), suggère faus­se­ment le contraire. 

Mes esti­ma­tions pour 2050 se situent dans l’ordre de gran­deur des résul­tats obtenus par deux exper­tises plus appro­fon­dies qui exploitent égale­ment la base des diasporas, l’une signée des cher­cheurs du Fonds moné­taire inter­na­tional[ix], l’autre du Centre commun de recherches de la Commis­sion euro­péenne[x]. Smith cite la première, mais sans relever le fait que depuis les recen­se­ments de 2000, l’augmentation du nombre de Subsa­ha­riens ayant quitté l’Afrique subsa­ha­rienne reflète pour l’essentiel la crois­sance géné­rale de la popu­la­tion. En propor­tion, la part des migrants qui restent dans la région a peu bougé depuis 1990. Elle se situe autour des trois-quarts (70 % à l’heure actuelle, selon la base mondiale des diasporas, contre 15 % seule­ment vers l’Europe). La migra­tion interne à l’Afrique subsa­ha­rienne devrait égale­ment béné­fi­cier de la mise en œuvre de l’accord de libre circu­la­tion des personnes signé en mars 2018 par 27 pays africains. 

Une métaphore trompeuse : le déversement du trop-plein

La base mondiale des diasporas atteste, en effet, qu’aucune des méta­phores habi­tuelles sur la logique des mouve­ments de popu­la­tion ne modé­lise correc­te­ment la distri­bu­tion effec­tive des migrants de par le monde. Les « lois » de déver­se­ment qu’elles prétendent énoncer sont démen­ties par trop de contre-exemples. Les pays qui ont les plus forts taux d’émigration vers les pays pros­pères sont plutôt de taille moyenne et de revenu moyen, tels le Mexique, la Turquie, le Maghreb, les Balkans ou l’Asie centrale, et, surtout, ce sont des pays déjà très engagés dans la baisse de la fécon­dité, ce qui n’est pas le cas de l’Afrique au sud du Sahara. Si l’on ouvrait davan­tage les fron­tières, ce n’est pas la « misère du monde » qui s’inviterait chez nous mais la richesse émergente.

Stephen Smith a beau savoir que l’extrême pauvreté n’est pas un facteur de migra­tion, il continue d’entretenir les autres variantes du mythe des vases commu­ni­cants, notam­ment quand il évoque l’inexorable pres­sion qu’exercent sur les sociétés vieillis­santes les jeunes en surnombre, impa­tients de s’émanciper. Il va jusqu’à suggérer que les sociétés euro­péennes, inca­pables de financer leur système de retraite pour cause de vieillis­se­ment, n’auraient d’autre dilemme que de fermer les fron­tières au risque de dépérir sur place ou, inver­se­ment, de les ouvrir au risque de ployer sous le nombre des coti­sants afri­cains : « doit-on, pour financer une sécu­rité sociale a minima, accepter qu’un quart des habi­tants de l’Europe – plus de la moitié des moins de trente ans – seront « afri­cains » en 2050 ? » (p. 179–180). Et de citer le fameux rapport de la divi­sion de la Popu­la­tion de l’ONU sur les « migra­tions de rempla­ce­ment »[xi], rapport régu­liè­re­ment invoqué par les tenants de la thèse du « grand remplacement ». 

Comment interpréter le dernier scénario de l’ONU sur les « migrations de remplacement »

Smith assure se référer au scénario de l’ONU visant à stabi­liser la popu­la­tion active de l’Europe à l’horizon 2050. Mais dans le cas de la France, le nombre de migrants accueillis chaque année opère déjà cette stabi­li­sa­tion. Smith se réfère en réalité au dernier scénario envi­sagé dans le rapport, qui consiste à figer dura­ble­ment le rapport numé­rique entre popu­la­tion d’âge actif (15–64 ans) et personnes âgées (65 ou plus) — ou « rapport de dépen­dance » — en faisant appel à des migrants jeunes, sans rien changer aux para­mètres de la durée du travail ou de l’âge à la retraite. Or c’est là une solu­tion irréa­liste, explique l’ONU, en raison de l’allongement de la vie qui vieillit la popu­la­tion « par le haut ». Le blocage du rapport de dépen­dance jeunes/​vieux exige­rait d’introduire dans les pays vieillis­sants des myriades de migrants, qui vieilli­ront à leur tour. Dans le cas de la France, les deux tiers de la popu­la­tion seraient alors des migrants ou des descen­dants de migrants. Un pays âgé comme la Corée n’aurait pas assez de l’arrière-monde chinois pour y parvenir. En ache­vant ainsi son rapport, l’ONU voulait prouver par l’absurde, sur un scénario fictif, que l’immigration ne permet­tait pas de contrer le vieillis­se­ment, y compris en France, et que ce dernier appe­lait des mesures d’un autre type. 

J’ai raconté ailleurs en détail l’histoire des inter­pré­ta­tions extra­va­gantes dont ce docu­ment de l’ONU a fait l’objet en France[xii]. Sa diffu­sion dans la presse avait soulevé l’ire de Jean-Marie Le Pen, qui accusa aussitôt l’ONU d’avoir conçu le plan « criminel » d’une « submer­sion migra­toire » de l’Europe — première appa­ri­tion avant la lettre de la thèse complo­tiste d’un « grand rempla­ce­ment » voulu par les élites mondiales, même si elle n’était pas encore pola­risée par l’islam. Erreur gros­sière d’interprétation, qui reve­nait à confondre projec­tion et projet. Quinze ans plus tard, Marine Le Pen la repro­duira dans plusieurs décla­ra­tions, en y ajou­tant ses propres distor­sions. Elle n’a pas seule­ment pris le scénario contre­fac­tuel de l’ONU pour une image du réel ; les projec­tions de l’ONU pour l’Europe sont deve­nues dans son cerveau un complot de l’Union euro­péenne, et la réfé­rence à l’horizon 2050 un complot ourdi depuis… les années 1950. 

On ne retrouve pas la théorie du complot dans l’analyse de Stephen Smith, mais l’erreur première persiste bel et bien, à savoir une lecture au premier degré des propor­tions extra­va­gantes de migrants du Sud dans les popu­la­tions du Nord proje­tées pour 2050 (« plus de la moitié des moins de trente ans en 2050 », nous dit-il en renvoyant au rapport onusien), alors que ce scénario contre­fac­tuel n’avait de sens que dans le cadre d’une démons­tra­tion par l’absurde.

Le gâteau de la protection sociale

Si l’on croit dur comme fer au scénario d’un afflux massif et désor­donné de migrants du Sud (car c’est cela que veut dire le mot « ruée » en bon fran­çais), le seul doute qui subsiste est de savoir s’il est encore temps de lui barrer la route en employant les grands moyens. Le débat étant ainsi formaté, Smith peut se permettre d’hésiter : les poli­tiques ont « de la marge » mais « il se fait tard ». Au delà de ce flot­te­ment se profile une certi­tude qui fait le cœur de l’argumentation : les pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment seraient « de bons augures » pour l’Afrique mais de « funestes présages pour l’Europe » (p. 225). Comme si chacun des deux conti­nents ne pouvait survivre qu’au détri­ment de l’autre. Une coutume napo­li­taine veut qu’on ne puisse souhaiter la bonne année à quelqu’un sans la souhaiter secrè­te­ment mauvaise à quelqu’un d’autre. C’est le prin­cipe du Limited Good ou du jeu à somme nulle, dégagé dans un article fameux de George Foster (1965)[xiii] et dont il faudra un jour retracer l’histoire poli­tique. Là se situe le nœud de l’ouvrage : non pas le déve­lop­pe­ment rigou­reux d’un méca­nisme démo­gra­phique mais une conjec­ture écono­mique d’autant plus opti­miste pour l’Afrique (un rattra­page accé­léré en l’espace de trente ans) qu’elle est jugée désas­treuse pour l’Europe.

À la fin de son essai, Smith reprend le propos de comp­toir jamais démontré selon lequel l’immigration serait fonciè­re­ment incom­pa­tible avec l’État-providence, ce que l’histoire sociale du pays a plei­ne­ment démenti depuis la Seconde guerre mondiale. Faut-il rappeler les études détaillées de l’OCDE à ce sujet[xiv], complé­tées plus récem­ment par la démons­tra­tion d’Hippolyte d’Albis et de son équipe[xv], à savoir que l’immigration ou, plus préci­sé­ment, un afflux soudain de migrants ou de deman­deurs d’asile, loin de ruiner la protec­tion sociale et d’aggraver le chômage, se traduit à terme par une augmen­ta­tion du PIB et une remontée du taux d’emploi ? D’Albis montre simple­ment que l’effet positif est retardé dans le cas des deman­deurs d’asile, et ce pour une raison simple : l’interdiction qui leur est faite de travailler en atten­dant l’instruction de leur demande. 

L’erreur est toujours la même : oublier que les immi­grés sont aussi des produc­teurs et des consom­ma­teurs, des contri­buables et des coti­sants, s’imaginer qu’ils entament le gâteau commun au lieu de l’accroître. Certes, ils coûtent à la société quand ils sont jeunes, lui rapportent à l’âge mûr et lui coûtent à nouveau au grand âge, mais, comme l’a bien montré l’OCDE, ce cycle de vie se retrouve dans le reste de la popu­la­tion, avec des diffé­rences minimes liées aux struc­tures par âges. L’idée que les migrants « prennent » le travail des natifs ou ponc­tionnent indû­ment leurs pres­ta­tions sociales relève, là encore, du sophisme du travail et des ressources en quan­tité fixe, qui imprègne toute la partie finale de l’essai de Stephen Smith. On retrouve la même idéo­logie dans les conclu­sions d’allure philo­so­phique que tire Gauchet de sa lecture de Smith : nous aurions à choisir entre la « liberté » et le « pouvoir », comprenez : la liberté d’admettre le tout-venant au nom des droits de l’homme et le pouvoir de garder la maîtrise exclu­sive de nos ressources. C’est s’imaginer que le bien existe en quan­tité finie, comme s’il fallait renoncer à vouloir conci­lier réalisme et respect des droits, poli­tique et morale.

Pour retourner une formule éculée, les analyses écono­miques menées par l’OCDE ou par l’équipe d’Hippolyte d’Albis produisent des résul­tats qui « fâchent », tant ils heurtent la vision du gâteau de taille fixe que les natifs et les immi­grés ne sauraient consommer sans se nuire mutuel­le­ment. Le véri­table « déni » (autre formule rhéto­rique dont on use et abuse dans le débat sur l’immigration) consis­te­rait à balayer ces résul­tats de la recherche d’un revers de main. Or, tant qu’on ne les a pas sérieu­se­ment démentis par une réfu­ta­tion de même niveau, ils sont incon­tour­nables et ce n’est pas le manie­ment de méta­phores évoca­trices ou d’analogies irréa­listes qui pourra tenir lieu de démonstration. 

De la même façon, il ne suffit pas de renvoyer dos à dos les tenants de l’Europe forte­resse et ceux de l’Europe passoire pour s’octroyer un brevet de prag­ma­tisme et se draper dans l’« éthique de respon­sa­bi­lité » face à l’« éthique de convic­tion ». L’auteur a beau opposer régu­liè­re­ment deux repous­soirs pour se poser en réaliste modéré, il s’engage lui-même dans une voie extrême quand il croit pouvoir lire dans les projec­tions de la démo­gra­phie subsa­ha­rienne la promesse d’une intru­sion massive abou­tis­sant à créer — excusez du peu — une « Eurafrique » (p. 227). 

Ni alarmer ni rassurer : établir les faits

La démo­gra­phie ressemble à la musique : elle attire beau­coup d’amateurs mais bien peu savent lire une parti­tion. Dans le cas présent, il y a maldonne sur la nature même du jeu : il relève de la spécu­la­tion écono­mique et d’une commu­ni­ca­tion à sensa­tion, et non pas d’une démons­tra­tion de nature démo­gra­phique. Face à la crainte de l’envahissement sous le nombre, qui est une variante faus­se­ment objec­tive de la peur de l’autre, le démo­graphe a le devoir d’éclairer ses conci­toyens sur les ordres de gran­deur des mouve­ments de popu­la­tion. Il doit aussi iden­ti­fier la nature exacte des hypo­thèses mises en œuvre et des préjugés qui les sous-tendent. À rebours d’une idée très répandue, son objectif n’est pas de rassurer ou d’alarmer mais de prendre la mesure des choses en les rame­nant à leurs justes propor­tions, seul moyen d’éclairer dûment une poli­tique lucide à long terme. 

S’il faut craindre une « ruée », ce n’est pas celle des étran­gers venus du Sud pour trans­former l’Europe en « Eurafrique » mais celle qui consiste à se jeter sur la première expli­ca­tion venue ou à s’emparer préci­pi­tam­ment de méta­phores outran­cières pour frapper l’opinion à bon compte. Reste à espérer que les respon­sables poli­tiques, désor­mais mieux armés, sauront à l’avenir éviter de tels pièges et cesse­ront d’agiter le spectre du péril noir. 

Publié dans lavi​de​si​dees​.fr, le 18 septembre 2018.

Le titre de cet article fait réfé­rence au texte de Lucien Febvre publié dans les Annales en 1946 : Comment se fabrique un oracle : la prophétie de sainte Odile


[i] Stephen Smith, La Ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Conti­nent, Paris, Grasset, 2018, 268 p.

[ii] F. Héran, « L’Europe et le spectre des migra­tions euro­péennes », Popu­la­tion et sociétés, n° 558, septembre 2018, 4 p.

[iii] J. C. Cald­well, P. Cald­well, « La nata­lité élevée de l’Afrique subsa­ha­rienne », Pour la Science, n° 153, juillet 1990.

[iv] D. Tabutin, B. Schou­maker, « La démo­gra­phie de l’Afrique au sud du Sahara des années 1950 aux années 2000. Synthèse des chan­ge­ments et bilan statis­tique », Popu­la­tion, 2004/​3, n° 59, p. 521–622.

[v] H. Leridon, « Afrique subsa­ha­rienne : une tran­si­tion démo­gra­phique explo­sive », Futu­ribles, n°407, juillet-août 2015, p. 5–21.

[vi] John B. Caster­line, John Bongaarts (eds.), “Ferti­lity tran­si­tion in Sub-Saharan Africa”, Supple­ment to Popu­la­tion and Deve­lop­ment Review, vol. 43, 2017 [recueil de 14 articles].

[vii] S. Migali, M. Scipioni, A global analysis of inten­tions to migrate, Euro­pean Commis­sion, Joint Research Centre, 2018, 57 p.

[viii] D. Ratha, S. Moha­patra, S. Silwal, Recueil de statis­tiques 2011 sur les migra­tions et les envois de fonds, Washington : Banque mondiale, 2018, 275 p.

[ix] J. González-García, E. Hitaj, M. Mlachila, A. Viseth, M. Yenice, “Sub-Saharan African migra­tion, Patterns and Spillo­vers”, Inter­na­tional Mone­tary Fund, Spillover Note 9, 2016, 16 p.

[x] F. Natale, S. Migali, R. Münz, Many more to come ? Migra­tion from and within Africa, Joint Research Centre, Bruxelles, Commis­sion euro­péenne, 36 p.

[xi] Nations Unies, Divi­sion de la Popu­la­tion, Repla­ce­ment migra­tion : is it a solu­tion to decli­ning and ageing popu­la­tions ? 2001, 151 p.

[xii] F. Héran, Avec l’immigration. Mesurer, débattre, agir, La Décou­verte, 2017.

[xiii] George M. Foster, “Peasant Society and the Image of Limited Good”, American Anthro­po­lo­gist New Series, Vol. 67, No. 2, April 1965, p. 293–315.

[xiv] OCDE, « L’impact fiscal de l’immigration dans les pays de l’OCDE », Pers­pec­tives des migra­tions inter­na­tio­nales, 2013, p. 133–202.

[xv] H. d’Albis, E. Boub­tane, D. Couli­baly, “Macroe­co­nomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western Euro­pean coun­tries”, Science Advances 4(6), June 2018.